Je voudrais vous parler de ces deux ans. Je voudrais vous parler d'elle. De ces deux ans sans elle. Ces deux ans qui m'ont scellés dans le temps. Le temps s'est arrêté ce jour là. Mais les 26 ans qui les ont précédés furent juste un calvaire. Toi, tu aurais pu m'expliquer. Tu aurais pu me soutenir. Ton décès fut un mystère. Ta maladie, un véritable taboo pour l'époque. Mais qui aurait pu comprendre ce dont tu souffrais. Déjà en 2015 les gens nous croient contagieux. Comme si notre mal être allait leur exploser à la gueule. Comme si leur connerie n'avait pas assez fait de dégâts. Tu avais toute la vie devant toi, tu avais tout juste mon âge aujourd'hui. Tu es en moi, tu habite mon coeur à chacun de ces battements. J'aimerais pouvoir te toucher, te prendre dans mes bras, te dire que cela n'était pas si grave que cela, que la stabilisation existait, que l'on pouvais s'en sortir. Une envie de te dire que si aujourd'hui je tiens le cap c'est pour leur montrer que nous ne nous nommons pas fatalité. Nous ne rimons pas avec cette fatalité que l'on veut nous coller sur le front.
Elle fut mon soutien de là haut. Elle fut mon pilier. Je me raccroche à elle comme on s'accrocherait aux ailes d'un ange. Si elle avait su ce qui lui arrivait, si elle avait su mettre des mots sur ses maux, si à l'époque on l'avait seulement écouté. Ecouter ce qui nous meurtri au plus profond de nous même. Seulement tendre l'oreille, une oreille attentive, à ce mal être qui nous lie. Ou juste lui tendre la main aurait suffi. Un simple geste peut parfois déplacer des montagnes insurmontables. Peut être que le soutien qu'elle a eu, le peu de soutien, elle l'a rejeté. Je l'ai fait à mon tour. Mais pour cela faut il cesser d'en donner? Le désespoir peut se comprendre. Mais si l'un s'effondre, l'autre aussi. On se doit de tenir mais vous aussi. Aussi difficile que cela puisse paraître.